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Association des Agriculteurs d'Auradé
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RASTAFARISME

 

Les marrons

Marcus Garvey

Rastafarisme

 

 

 

 

LES MARRONS

 

Les Anglais font la conquête de  l'île en 1655 après une tentative infructueuse sur l'île d'Hispaniola (Haïti–Saint-Domingue). L'île est prise sans difficulté bien qu'une résistance locale perdure durant 5 ans. Santiago de la Véga devient Spanish-Town. De nombreux pirates boucaniers de l'île de la Tortue (Nord d'Haïti) s'installent. L’Espagne cède l'île à l'Angleterre au traité de Madrid de 1670.

Des séfarades émigrés d’Espagne dans les années 1600, servent d’intermédiaires entre les boucaniers qui mettent à sac les vaisseaux espagnols et la couronne d’Angleterre qui achète le butin. Les "frères de la côte" font de Port Royal leur quartier général avec à leur tête henry Morgan.

Morgan est alors arrêté avant d'être plus tard nommé gouverneur de la Jamaïque et de traquer à son tour les pirates. Il est mort en 1688 dans son lit. Port Royal est rasé par un tremblement de terre le 7 juin 1692, ses habitants s'établissent à Kingston.

Les premiers esclaves noirs ont été amenés en 1513. Le commerce triangulaire : les esclaves étaient récupérées en Afrique contre de la marchandise sans valeur, les esclaves étaient échangés aux Antilles contre du sucre, le sucre était revendu en Angleterre. Le Transport des esclaves est assuré par la Royal African Company. Les esclaves sont enregistrés à leur arrivée d'Afrique à Spanish-Town, c'est encore aujourd'hui le siège du registre d'état civil. En 1764 ils ont 144000 pour 22000 blancs. Ils sont 300000 au début du XIX ème siècle pour 20000 blancs. L'abolition de la traite par l'Angleterre date de 1807, elle n'est pas immédiatement suivie par l'abolition de l'esclavage. En Jamaïque l'absentéisme des planteurs qui préfèrent mener la belle vie à Londres, encourage l'émergence d'une classe d'affranchis (comptables, contremaître). Les missionnaires baptistes créent des villages pour les familles d’africains affranchis. Ces affranchis et les missionnaires abolitionnistes locaux sont à l'origine de nombreuses révoltes. Celle de 1831 conduite par Samuel Sharpe est la plus sanglante, les missionnaires qui s'étaient joints à la cause des esclaves sont tous pendus. Les esclaves sont émancipés en 1838.

La colonie a une législature particulière composée de 45 membres élus par les francs tenanciers, un gouverneur et un conseil de 12 membres.

Après l'émancipation des esclaves, ceux ci quittant les plantations, les Anglais font venir à partir de 1845 des chinois, des indiens, des syriens et des allemands. Ces arrivées de populations diverses sont à l'origine de la devise adoptée lors de l'indépendance "de tant de peuples, un seul".

Les esclaves émancipés n'obtiennent que des salaires insignifiants dans les plantations. La guerre de sécession entraîne un blocus de fait et une pénurie de denrées de base. Les paysans envoient une supplique ayant pour réponse une lettre leur demandant de travailler plus dur. Ils se révoltent le 11/10/1865 à Morant Bay sous la conduite de Paul Bogle et de William Gordon (2 noirs membres de l'assemblée jamaïquaine). 400 noirs dont Bogle et Gordon sont fusillés suite à l'incendie du tribunal de Morant Bay qui a causé la mort de 16 anglais. L'assemblée jamaïquaine est dissoute, le gouverneur de la Jamaïque Edward Eyre doit s’excuser publiquement et est destitué.

 En 1872 Kingston devient la capitale à la place de Spanish-Town.

 

 

NANY REINE DE LA MONTAGNE

 

Burning Spear : Queen of the Mountain (texte de Winston Rodney et Noel Hamil) dans l'album Résistance (1985 Blue Moon Productions)

Judy Mowatt : Warrior Queen (texte de V. Edgehill et M. Bennett) dans l'album Look at Love (1991 Shanachie)

 

Nany, Nany, Nany : il ne s'agit pas d'un effet de style mais d'un personnage de l'histoire de la Jamaïque. Voici  donc quelques mots sur les Marrons de la Jamaïque.

 

Lors de la conquête de la Jamaïque par les Anglais en 1655, les esclaves noirs se sont retranchés dans le Cockpit Country au sud est de Montego Bay.  Y vivaient déjà des descendants d'Arawaks mêlés à des esclaves en fuite, les derniers Arawaks se fondirent complètement par métissages successifs. Certaines légendes Arawaks sont passées dans la culture locale grâce aux chants traditionnels. Le relief montagneux de l'île permit  aux réfugiés d'échapper aux colons, le Blue Mountain Peak culmine à 2467 mètres d'altitude. Du haut des collines rocheuses couvertes de forêts vierges, ils harcèlent les fermiers anglais, brûlent les plantations, libèrent des esclaves. La guérilla dura pendant 80 ans.

Les principaux chefs de guerre marron sont Cudjoe, Accompong et une femme NANY une prêtresse au courage légendaire. La première guerre « marrons » démarre en 1690 dans la paroisse de Clarendon sous les ordres de Cudjoe.

Les Anglais firent venir des boucaniers, des indiens miskitos (Nicaragua), des chasseurs cubains avec des chiens dressés pour la chasse aux esclaves pour tenter de soumettre les esclaves en fuite.

Cudjoe tient tête à 6 commandants britanniques successifs pendant 40 ans jusqu’à la signature d’un premier traité en mars 1739 avec le colonel John Guthrie. D’autres traités sont signés avec les différents chefs marrons : Quao, Johnny , Accompong.

Le statut d'autonomie des marrons (de l'espagnol cimmaron signifiant indompté) fut accordé dès 1738 à 3 zones (régions de la Cockpit Country et des Blues Mountains). En contrepartie les marrons se sont engagés à ne pas protéger les esclaves fugitifs. Les transfuges récents doivent retourner dans les plantations, certains seront expulsés vers le Canada (le bateau sera détourné vers l'Afrique). 

Par la suite il y a aura d'autres révoltes des esclaves dont celle de 1760 menée par Tackey, celle de 1798 menée par KOFI et celle de 1831 menée par Sam Sharpe.

En 1795-1796 les marrons de la zone la plus l’ouest rentre en guerre avec les britanniques suite à un désaccord sur le traité (2 marrons jugés et fouettés en public). Ils sont défaits et l’enclave est supprimée par la déportation de 500 marrons vers la Nouvelle Ecosse. Ceux ci seront ensuite installés à Freetown sur la côte occidentale de l’Afrique (Sierra Leone).

A la fin du XVIII ème siècle John Theap planteur né à la Jamaïque (3000 esclaves) négocie l'accord avec les marrons :"Restez dans vos montagnes et nous vous laisserons en paix".

Les marrons, en vertu de l'accord d'autonomie fournirent sur demande des troupes supplétives à plusieurs occasions y compris lors de la répression de la rébellion de MORANT Bay du 11 octobre 1865.

De nos jours vivent 2000 marrons autour des villages de Accompong (Cockpit country) et Moore Town (Blues Mountains). Ils sont fermiers et accusés de cultiver plus la ganja qu'autre chose.  Pour des raisons politiques la culture de la ganja fait moins l'objet de campagne d'éradication dans les territoires marrons. 10 % des jamaïcains se disent descendant d'un Marron. La terre appartient à la communauté et ne peut être cédée à un étranger. Les lois jamaïquaines ne s'appliquent pas sauf en cas de meurtre.  Les marrons ne payent pas l'impôt et reçoivent une aide du gouvernement pour l'organisation des élections locales.

Les Windward Maroons à Moore Town nomment un "colonel" à vie, ainsi en 1993 le "colonel" Harris présidait depuis 1964. A Moore Town on parle encore le coromantee, une langue non écrite d'origine africaine (plus particulièrement du groupe Akan dont les principaux représentants sont les Ashantis du Ghana et les Baoulés de Côte d’Ivoire). On utilise lors des fêtes des tambours coromantee et des abengs (cornes de taureau). A Accompong le "colonel" est élu pour un an.

Les marrons représentent surtout un symbole de l'esprit de liberté. L'antériorité de leur combat est une source de fierté.

 

 

 

MARCUS GARVEY

 

 

Marcus Garvey est né le 17 août 1887 à St Ann's  Bay dans une famille que l’on dit descendre des marrons. Il travaille d’abord dans une imprimerie. Syndicaliste, il anime la grande grève des imprimeurs de 1907. Fasciné par le journalisme il voyage en Amérique Centrale, en Colombie et au Venezuela. Il séjourne ensuite à Londres de 1912 à 1914 où il est en contact avec la communauté intellectuelle noire.

Il fonde en juillet 1914 l'UNIA (The Universal Negro Improvement Association). Le slogan de l’UNIA est «un Dieu, un But, un Destin ». Son action rencontre la méfiance de ses compatriotes aussi en 1916 Il s'installe à Harlem (Etats-Unis). Il fonde un journal à Harlem le «negro world » avec pour devise «un but, un dieu, une  destinée, l’Afrique aux africains d’Afrique et d’ailleurs » ainsi qu’une revue. L’UNIA est transférée également à New York. Il sillonne l’Amérique pendant 2 années (1919-1920). Partout on l’acclame, les couches les plus basses de la population s’identifient sans peine à ses déclarations sur la fierté de la race et le refus de l’intégration. Petit à petit Garvey développe l’idée que les Noirs doivent retourner en Afrique, ne croyant pas à l’obtention de l’égalité des droits pour la minorité noire. Il crée alors une compagnie maritime la «Black Star Line », une entreprise de fabriques, des magasins et des restaurants. Le tout est destiné à une clientèle noire. Un vieux cargo rebaptisé le SS Frederick Douglass est mis en service en 1920 entre New York et la Jamaïque. La convention de l’UNIA en 1920 reçoit une large couverture médiatique. Marcus Garvey revêtu d’un uniforme et coiffé d’un chapeau à plume salue la foule de sa limousine décapotable. Marcus Garvey clame «nous sommes les descendants d ‘un peuple qui a souffert. Nous sommes les descendants d’un peuple déterminer à ne plus souffrir ». En 1920 une délégation de l’UNIA se rend au Libéria pour tenter de concrétiser un rapatriement.

En 1922 6 millions de personnes cotisent à l’UNIA. On compte 700 implantations aux Etats-Unis, des représentants dans 40 pays. En 1923 la Black Star Line fait faillite.

 

 En 1925 Garvey est jugé pour fraude et évasion fiscale, il est jeté en prison au pénitencier d’Atlanta. Le caractère politique de ce procès est indéniable. Suite aux pressions de l’opinion noire, Garvey est expulsé des Etats-Unis vers Panama en 1927. Il retourne en la Jamaïque où il lance à l’occasion d’un prêche dans une église de Kingston sa prophétie «tournez vos yeux vers l’Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de la délivrance est proche ». Son activisme suscite une vive opposition, les autorités jamaïquaines lance une campagne de discrédit à son encontre. Il retourne  à Londres en 1928, et s’y installe définitivement en 1935. Oublié de tous et vivant dans la pauvreté, il meurt le 10 juin 1940 de pneumonie.

 

Marcus Garvey n’a pas écrit de livres. C’est à travers ses discours publics que l’on peut connaître sa pensée. Une partie de ses discours ont été enregistrés. Il existe des images d’actualité de la convention de 1920.

 

Les cendres de Marcus Garvey ont été ramenées à la Jamaïque à la fin des années 60 sous l’impulsion d’Edward Seaga. Un mémorial est construit. Marcus Garvey est considéré comme un héros national.

 

 

 

LE RASTAFARISME

 

 

A) L'origine du mouvement

 

En Jamaïque la religion dominante est le christianisme (église anglicane 7%, églises réformées 49 %, église catholique 5%, autres églises 39 %).

Depuis 1784 existe en Jamaïque une église baptiste éthiopienne fondée par le pasteur américain Georges Liele. On peut considérer cette église que le précurseur de l’éthiopisme (évocation nostalgique de l’Ethiopie alias le continent africain) en Jamaïque.

L’exil des hébreux à Babylone (-587 avant JC à –539 avant  JC) est comparé à la situation des descendants des esclaves  vivant en Jamaïque

 

De même Marcus Garvey  annonce en 1927 " Tournez vos yeux vers l'Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de délivrance est proche". En 1930 Haïlé Sélassié est couronné. La nouvelle figure dans le quotidien local de Daily Gleaner. De fervents lecteurs de la Bible voient dans un verset de l'Apocalypse le rédempteur attendu : « ne pleure point : voici le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David a vaincu pour ouvrir le livre et ses sept sceaux. ».

En 1933 Léonard Percival Howell (1898-1981) commence à prêcher en faveur de Ras Tafari par opposition à la couronne anglaise. Avec d’autres prédicateurs Archibald Dunkley et Joseph Nathanael Hibbert ils annoncent que l’heure de la Rédemption est arrivée. Leur enseignement religieux se base sur des textes issus de la «Holy Piby », une bible selon l’homme noir publiée le 15 janvier 1924 d’essence afro centriste écrite par Robert Athlyi Rogers (en fait un fascicule d’une trentaine de pages). Et sur un opuscule du révérend  Fitz Balintine Pettersburgh paru vers 1927 (Royal Parchment Scrollof Black Supremacy). Howell utilise une édition de la Bible appelée «Promised Key » faite à Accra (actuel Ghana) en 1935. Les références bibliques trouvent un écho. La remise en cause de l’allégeance à la Couronne Britannique entraîne une répression immédiate dès 1934, amenant de nouveaux adeptes. Le message d’essence religieuse amplifie les thèmes politiques développés jusqu’à présent par Marcus Garvey. L’aspect religieux consiste à une remise en cause de la Bible officielle (dite du King James) qui à la suite des traductions successives serait amputée de la moitié de l’histoire.

 

En 1934 en compagnie de Robert Hinds, Leonard Howell vend 1 shilling pièce des portraits d’Haïlé Sélassié prétendant qu’ils seront considérés comme passeport officiel pour l’Ethiopie. Il écoule 5000 de ses «passeports ». Il est arrêté et condamné à 2 ans de prison.

Archibald Dunkley fonde le « King’s Missionary Movement » et Joseph Hibbert « l’Ethiopian Coptic Faith ». 

 

En 1935 l’Italie envahie l’Ethiopie et l’annexe en 1936. En 1937 Marcus Garvey critique l’attitude d’Haïlé Sélassié en exil, cet attitude pousse une partie de ses partisans à rejoindre la cause rastafarienne (Ferdinand Rickett, Altamont Raid, Paul Earlington).

En 1938 l’Ethiopian World Federation (EWF) fondée en 1937 par Haïlé Sélassié pour récolter des fonds de soutien à l’étranger s’implante à New York , aussitôt des contacts se nouent avec la Jamaïque, mais les éthiopiens ne voit en l’Empereur que l ‘élu de Dieu et non Dieu lui même.

La répression se fait aussi par l’internement au Belview Mental Hospital. En 1940, après un séjour dans cet établissement Leonard Percival Howell fonde la première communauté rastafarienne dans les collines de Sainte Catherine : le Pinacle (entre Spanish Town et Sligoville). Cette communauté « l’Ethiopian Salvation Society » compte entre 500 et 1600 membres. On ne peut y accéder qu’à pied.

Selon les rumeurs Howell vit comme un chef de tribu africaine entouré de treize femmes.

Le Pinacle est une communauté agricole. On y plante de la ganja devenue herbe rituelle du culte rastafarien («wisdom weed » herbe de la sagesse). Lorsque la communauté incite les paysans locaux à lui payer l’impôt, la police attaque le Pinacle en juillet 1941, 70 rastas sont arrêtés et la communauté est dispersée. Libéré de prison Howell réorganise le Pinacle.

 Les dreads locks sont adoptées en 1947, tout d’abord par les « ethiopians warriors » qui gardent l’entrée du Pinacle. Les dreads locks se sont développés dans une communauté rasta  créée en 1949, la « Youth Black Faith » pour qui se peigner  signifiait que l’on restait marquer par la culture occidentale.

Howell ayant créé un culte autour de sa personne, sa communauté se divise et s’affronte. En 1954 la police détruit définitivement le Pinacle et renvoie les rastafariens dans les taudis de Kingston. Leonard Howell est donné comme mort dans un hôpital psychiatrique en 1960.

 

L’expérience d’Howell fit que les rastafariens se méfièrent des leaders et décidèrent de ne pas se développer sous forme d’organisation unitaire hiérarchique mais sous forme de confrérie.

En 1955 l’empereur d’Ethiopie accorde une concession territoriale à Shashamani à 200 km d’Addis Abeba dans la vallée de Goba. En 1959 un groupe de chercheur de l’Université des West Indies publie un rapport sur le mouvement Rastafari à l’attention du gouvernement. Celui ci envoie une mission en Afrique (The Fact Fiding Mission : Ethiopie, Ghana, Nigeria, Liberia et Sierra Leone).

Cette mission comprend des officiels gouvernementaux, deux représentants de l’UNIA et de l’EWF (Ethiopian World Federation) et de trois aînés rastas (Mortimer Planno, Douglas Mack et Philmore Alvaranga).

Mortimer Planno à son retour, fonde dans son logis un cercle d’études où se tient des cours sur la Bible et la langue amharique (langue officielle de l’Ethiopie jusqu’en 1974). Mortimer Planno est dans les années 60 le plus influent des rastas.

Les préceptes rastafariens communément retenus dans les années 60 sont :

1.        Haïlé Sélassié est le Dieu Vivant

2.        Les noirs sont la renaissance du vieil Israël, exilés par les blancs dans le ghetto jamaïcain

3.        Les noirs sont supérieurs au blanc

4.        Le salut réside en Ethiopie

Pour les rastafariens le gouvernement jamaïcain, la police, les églises représentent Babylone. Les noirs du nouveau monde sont des captifs vendus à Babylone et Sélassié est le rédempteur noir qui les ramènera en Afrique.

 

« Greetings in the name of the Most High, His Imperial Majesty Haile Selassie I Jah Rastafari. Give Thanks and Praises to the Almighty One, Conquering Lion of Juda, King of Kings, Lord of Lords, Elect of God, Light Of The World … »

 

Haïlé Sélassié est né sous le mom de Tafari le 23 juillet 1892. C’est le fils du gouverneur du Harrar le Ras Makonnen (mort en 1906). Dès 1905 il occupe différents postes de gouverneur. L’Empereur Ménélik II décède le 12 décembre 1913. Son successeur Lidj Yassou est soupçonné de sympathie musulmane. Il est déposé par un coup d’Etat des dignitaires du régime.

Devenu Ras Tafari en reconnaissance de ses services envers l’Eglise, il est nommé le 21 septembre 1916 régent de l’empire d’Ethiopie. De 1916 à 1930, Zaoditou fille de Ménélik II est impératrice.

Ras Tafari commence la modernisation du pays. En 1923 l’Ethiopie rentre difficilement à la Société des nations du fait de la pratique persistante de l’esclavage. En 1924 il fait un long voyage dans les capitales européennes. Le 7 octobre 1928 il est couronné Négus après avoir affermi son pouvoir. 

A la mort de Zaoditou, il devient donc en avril 1930 Haïlé Sélassié I, Pouvoir de la Très Sainte Trinité, 225° Empereur de la Dynastie de Salomon, Elu de Dieu, Seigneur des Seigneurs, Roi des Rois, Lion Conquérant de la Tribu de Judée. Il est couronné le 2 novembre 1930 lors d’une cérémonie spécialement destinée à accroître son prestige international, des représentants de 13 pays seront présents, la délégation anglaise est conduite par le duc de Gloucester fils de Georges V, celle de la France par le Maréchal Franchet d’Esperey. L’opération médiatique est réussie, l’Empereur fait la une des journaux y compris le Gleaner en Jamaïque.

En 1931, il dote l’Ethiopie d’une constitution. Le régime est féodal, certains gouverneurs de province peuvent avoir le statut de Négus (Roi), les anciennes provinces (Tigré, Wollo) fonctionnent de manière autonome et le pouvoir central n’est pas obéi.

En 1936 après une guerre cruelle avec l’Italie, l’Ethiopie perd son indépendance. L’Ethiopie n’avait aucune chance face à une armée moderne. Les efforts diplomatiques de l’Ethiopie seront sans effet, la France et la Grande Bretagne cherchent à l’époque à contrer l’Allemagne et elles ménagent l’Italie. Les mécanismes juridiques de la Société des Nations sont défaillants et l’embargo contre l’Italie de peux d’effets sur le cour de la guerre. Les troupes italiennes entrent à Addis Abbeba le 5 mai 1936. Haïlé Sélassié part en exil. Le 30 juin 1936 son discours prémonitoire au siège de la Société des Nations à Genève aura un impact auprès de l’opinion public. L’Italie rentre en guerre contre la Grande Bretagne en 1940. Haïle Sélassé s’installe à Khartoum, un corps expéditionnaire aide la résistance à chasser les italiens. Le 20 janvier 1941 Haïlé Sélassié reprend pied en Ethiopie. Le 5 mai 1941 l’indépendance est restaurée sous protection britannique avec la prise d’Addis Abeba. Le 19 décembre 1944 l’Ethiopie récupère son entière souveraineté. De 1941 à 1960 Haïlé Sélassié exerce sous des apparences de modernité un pouvoir absolu. Durant cette période le pouvoir central finit de prendre le contrôle des provinces historiques par des réformes progressives.

En 1959 l’Eglise Ethiopienne Orthodoxe devient autocéphale, elle est désormais indépendante du patriarcat d’Alexandrie qui nommait l’Abouna (le chef de l’Eglise copte éthiopienne). Une nouvelle version de la Bible mise au point à partir de textes originaux est adoptée. 

En décembre 1960 pendant un voyage au Brésil une tentative de coup d’état échoue. Les réformes engagées ne transforment guère un pays resté féodal. En 1962 il organise la conférence qui précédera la création de l’Organisation de l’Unité Africaine le 25 mai 1963. Après ce succès diplomatique, le régime devient peu réactif dans une période où les récentes indépendances créent une aura vis à vis des régimes progressistes dans l’intelligentsia éthiopienne. L’âge de l’empereur et un entourage composé majoritairement de courtisans, coupe l’Ethiopie de son environnement socio-politique. La sécheresse de 1973 ne suscite guère de réaction du palais impérial malgré la famine. Le 26 février 1974 l’armée se soulève. La révolution éthiopienne dépouille petit à petit l’Empereur de tous ses pouvoirs. Le 12 septembre 1974 une junte militaire et révolutionnaire prend le pouvoir et dépose Haïlé Sélassié. Asfa Wossen devient le souverain nominal de l’Ethiopie. Le 17 mars 1975 la monarchie est abolie. Le 27 août 1975, l’empereur est assassiné et le lieu de sa tombe est tenu secret. Le meneur de la révolution Menguistu Haïlé Mariam prend la totalité du pouvoir en 1977. On retrouve la sépulture d’Haïlé Sélassé en 1993 après la chute de son successeur. Menguitu Haïlé Mariam avait fait enterrer l’empereur sous son bureau. La rumeur prétend que Menguistu est en enfant adultérain de l’Empereur.

 

Seulement quelques milliers de personnes à l'enterrement d'Hailé Selassié

ADDIS ABEBA, 5 nov 2000 (AFP)

 

Seulement quelques milliers de personnes se sont déplacées dimanche matin à Addis Abeba pour rendre un dernier adieu à l'empereur Hailé Sélassié enterré dans la dignité plus de 25 ans après sa mort.

Les cérémonies ont commencé à l'aube en l'Eglise Baata Mariam Geda où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992. Tout le synode de l'église orthodoxe éthiopienne était présent, ainsi que les survivants de la famille impériale, dont la fille de l'empereur et ses petits-fils et petites-filles.Après les prières, le patriarche de l'église orthodoxe, l'abouna Paulos a rendu hommage à l'empereur soulignant sa "contribution remarquable pour l'Ethiopie, l'Eglise, l'Afrique et le monde entier" devant environ un millier de personnes.

Le cercueil du dernier empereur de la dynastie salomonienne, recouvert du drapeau impérial, vert, jaune, rouge, frappé des armoiries impériales et de l'étoile de David, était alors accompagné par des anciens combattants, lances à la main, vêtus du costume traditionnel illustrant la bravoure.Une fois le cercueil installé sur un camion décoré aux couleurs éthiopiennes, le cortège funèbre s'est rendu jusqu'à la place Meskel, au centre d'Addis Abeba.

L'ancienne place de la Révolution, lieu des rassemblements de masse, paraissait clairsemée, malgré la présence de 2.000 à 3.000 personnes. L'un des petit-fils du Négus, Beide Mariam Mekonen Hailé Sélassié, qui vit en exil au Canada, s'est adressé à l'assistance en amharique pour remercier ceux qui étaient venus.

En revanche, contrairement au programme distribué par la Fondation pour le Mémorial de l'empereur Hailé Sélassié qui organisait les funérailles, aucun représentant du gouvernement n'a pris la parole.

Le gouvernement éthiopien dirigé par Meles Zenawi avait autorisé la manifestation, tout en maintenant publiquement ses critiques vis à vis du bilan qu'il considère comme désastreux du règne de l'empereur.

La procession a ensuite pris la direction de l'église de la Trinité où Hailé Sélassié reposera définitivement.

Renversé par un coup d'Etat militaire en septembre 1974 après 44 ans de règne, le Négus est mort à l'âge de 83 ans, dans la nuit du 26 au 27 août. Le décès a été attribué officiellement à une "défaillance circulatoire", mais pour la majorité des historiens, Hailé Sélassié a été assassiné par le nouveau régime révolutionnaire dirigé par Mengistu Hailé Mariam, aujourd'hui en exil au Zimbabwe.

 

Rita Marley a aperçu Haïlé Sélassié en 1966 lors de sa traversée de Kingston, lors de son passage elle a eu une vision des stigmates du christ sur les mains de l’Empereur. Le 5 novembre 2000 elle est présente aux funérailles

 

Lors d’un séjour en Ethiopie Michael Manley invite le Négus à se rendre en Jamaïque.

Du 21 au 24 avril 1966 Haïlé Sélassié visite la Jamaïque lors d’une visite officielle (The Coming of Jah). Le 21 a été déclaré jour férié. Des milliers de rastas s’installent à Palisadoes (l’étroite bande de terre entre Kingston et l’aéroport). La foule envahit le tarmac. L’empereur refuse de sortir de l’avion durant une heure annulant ainsi l’accueil protocolaire. Cet épisode est appelé par les rastas : la capture des cérémonies. Mortimer Planno réussit à ouvrir un passage à l’empereur. Sélassié rencontre et décore une trentaine de personnalités rastas. A l’attention de ceux ci il déclare qu’un homme ne peut vouer un culte à un autre homme. Lors de son séjour l’Empereur emprunte le train allant de Kingston à Montego Bay. Haïlé Sélassié aurait offert à Michael Manley son bâton impérial. Plus probablement acheté sur place lors d’une visite en Ethiopie en 1970, ce bâton est appelé par les rastas la verge de correction ou bien le bâton de Josué. Michael Manley le brandit lors de ses campagnes électorales de 1972 à 1989. Pendant sa rencontre avec le premier ministre Donald Sangster, celui ci marche sur le pied du Chihuahua de l’empereur. Selon les rastas cette offense à Lulu sera la cause de la mort de Sangster en 1967. Le gouvernement jamaïcain espérait que cette visite mettrait un terme au culte rastafari suite à une désapprobation publique de l’Empereur, celui ci n’en fit rien.

 

En juillet 1966 la cité résidentielle de Tivoli Gardens est édifiée en lieu et place du principal campement rasta de Kingston. Ce sont les camps de Prince Emmanuel et de Ras Sam Brown qui sont rasés. Cela entraîne une nouvelle dispersion des rastas  comme à la fin de Pinacle.

Un groupe dirigé par Prince « Emmanuel » Edwards s’installe à Bull-Bay. La communauté des Emmanuellistes devient l’Ordre des Bobos shantis

Au cours des années 60 l’influence des rastas s’étend parmi les jeunes des ghettos urbains. La culture rasta devient à la mode : peintres, sculpteurs, poètes, danseurs et musiciens deviennent des idoles. Le phénomène populaire entraîne un relâchement des directives morales et de l’attitude ostentatoire (dreadlocks et interdits alimentaires).

A partir de 1968 Vernon Carrington (dit GAD) créée la secte rasta des 12 tribus d’Israël. Ce sont des chrétiens qui considèrent que le Christ est de retour en la personne d’Haïlé Sélassié.

 

Suite à son voyage en Jamaïque Haïlé Sélassié décide d’y implanter l’Eglise Ethiopienne Orthodoxe en y nommant le prêtre Laike Mandefro (devenu par la suite l’abouna Yesehaq).  L’église s’implante à Kingston le 23 mai 1970.

Haïlé Sélassié a dans ses écrits insisté sur le caractère culturel de la religion et ses prises de positions reflètent sa personnalité : «Il nous faut cesser de confondre religion et spiritualité. La religion est un ensemble de lois, de règlements et de rituels édifiés par les hommes, … En raison de l’imperfection même de l’homme, la religion s’est corrompue, s’est politisée, s’est divisée et est devenue un outil dans la lutte pour le pouvoir. La spiritualité n’est ni théologie, ni idéologie. C’est tout simplement un mode de vie, pur et original, qui nous a été donné par le Créateur. La spiritualité est une toile qui nous relie entre nous, au Très-Haut et à l’univers. »

 

Les rastas mettent en avant le fait que leur «Dieu » est vivant, que leurs projets sont actuels et concrets et plein de vie contrairement aux prêches des pasteurs. Jésus n’est plus de ce monde tout comme le Paradis ou l’Enfer mettent l’accent sur la mort du croyant. La religion des blancs est rejetée. Les prêtes et les prédicateurs sont considérés comme des charlatans. La légende d’une vie éternelle dans un au-delà imaginaire n’a pour but que de tenir en dépendance et dans l’humiliation  l’homme noir, l ‘empêcher de combattre pour sa dignité. Ceci est d’ailleurs le thème de la chanson écrite par Peter Tosh et Bob Marley «Get up Stand Up» en 1973. Là où l’auditeur occidental voit un message politique, se trouve en fait un manifeste rastafarien de première importance.

 

Après la mort en 1975 d’Haïlé Sélassié la confrérie la plus influente est celle des douze tribus d’Israël qui choisit de considérer Haïlé Sélassié comme toujours vivant. Bob Marley met en avant les arguments de cette confrérie dans sa chanson Jah Live en 1975 puis dans la chanson Positive Vibration en 1976. Les arguments avancés permettent de contrer les détracteurs des rastas. Lors de ses interviews, Bob Marley explique en détail les arguments avancés par  Les douze tribus d’Israël qui se démarquent des préceptes communément adoptés par les rastas dans les années 60. Ses interlocuteurs sont des journalistes de revues musicales qui ont bien du mal à situer le discours de Marley.

Les mentors de Bob Marley utilisent le show business comme paravent à la diffusion du message du mouvement rastafari. Les contradicteurs des douze tribus d’Israel tenteront de contrer leur message. Ainsi Yabby You qui conteste la divinité du Negus lance le chanteur Michael Prophet pour contrer Bob Marley.

Les douze tribus d’Israël demeurent jusque dans les années 90 la confrérie la plus influente. En 1980 on estime à 100000 les Jamaïcains se réclamant peu ou prou du rastafarianisme. La plupart des musiciens se rallient au mouvement et le reggae devient l’instrument de diffusion des thèmes rastas.

 

Dans les années 80 les rastas apparaissent comme les représentants de la génération des jeunes des années 60 et 70 dans la même mouvance que les autres phénomènes de l’époque comme les hippies. Le rastafarisme a permis de débarrasser l’esprit des jamaïcains des sentiments d’infériorité qu’ils pouvaient avoir au sujet de leur race et de leur culture. Il est l’équivalent en Jamaïque de ce que représente mai 1968 en France. De même la perte d’influence des rastas dans les années 80 s’apparente au dénigrement des soixante-huitards.

 

Le rastafarisme au cours des années 90 reprend son influence culturelle avec la mise en avant de Bob Marley. Autour de lui s’organise un culte : pèlerinage sur sa tombe, fondation Marley, édification d’une statue.

Une fois réglée la succession de Marley en 1994, chacun retrouve sa place. Les textes de Marley gardant toute leur actualité gomment l’image passéiste du culte de Haïlé Sélassié. Le culte est entretenu par la famille Marley et par tous ceux qui ont connu Bob. La diffusion de l’iconographie est assurée par plusieurs facteurs. Le phénomène stars du show-biz a disparu dans les années 90, il n’y a donc pas de mythes de remplacement. Le reggae est le vecteur de diffusion du message rastafarien. Cette musique reste marginale mais elle est présente partout, elle reste associée au progressisme.

 

B) Le retour en Afrique

 

Le rastafarisme trouve sa force dans la revendication du retour en Afrique. Il prône un avenir hors de la Jamaïque partant du constat que la fin de l’esclavage a laissé la population d’ascendance africaine sans prise sur l’économie locale. Dans les années 50 l’économie de l’île est basée sur l’exportation vers la métropole de produits agricoles (plantations de sucre, bananes) et de matières premières (bauxite). L’espoir n’étant plus de mise en Jamaïque, les Etats Unis où règne au Sud la ségrégation n’étant pas la solution, le rapatriement en Afrique est proposé. Au début des années l’accession à l’indépendance des pays africains crée un climat euphorique.

 

En Ethiopie à la fin du XIIIème siècle se produit un changement dynastique. La dynastie des Salomonides succède à la dynastie Zagoué. Le pouvoir passe des Tigréens aux Amharas. La nouvelle dynastie pour asseoir son autorité dresse un arbre généalogique qui la fait descendre de Ménilik fils de la reine de Saba et du roi Salomon. Selon cette nouvelle origine Ménélik Ier a transféré les Tables de la Loi de Jérusalem en Ethiopie faisant de ce pays la nouvelle Jérusalem. Sion n’est plus Israël mais l’Ethiopie. La dynastie Salomonide a recréé le royaume de David en Ethiopie. La typographie de la terre sainte a été appliquée aux alentours de la capitale Ethiopienne de l’époque, la ville de Lalibela. Les Tables de la loi se trouvent à la chapelle Sainte Marie à Axoum.

En assimilant Afrique et Ethiopie, on fait de l’Afrique la nouvelle Sion. Retourner en Afrique devient le retour vers Sion (Jerusalem).

 

Historiquement les anciens esclaves d’Amérique eurent au début du XIX ème siècle deux occasions de retour sur le continent africain :

 

Sierra Leone : En 1787 l'Angleterre crée l'établissement de Freetown sur la côte occidentale de l'Afrique pour y installer d'anciens esclaves ayant appartenu à des propriétaires anglais installés aux Etats-Unis, aux côtés desquels ils combattirent contre les colons rebelles à la "mère patrie". Repliés en Nouvelle Ecosse, ceux ci sont transportés en Afrique pour y faire souche. En 1790 l'Angleterre organise l'arrivée de marrons de la Jamaïque. En 1807  l'Angleterre abolit la traite. L'établissement de Freetown est élevé en 1808 au statut de colonie britannique de la Sierra Leone. De 1807 à 1860 de nombreux "recaptives" repris par les navires de guerre britanniques aux  négriers furent débarqués à Freetown formant la troisième partie des "crios", les créoles locaux.

 

Liberia : Le 28/12/1816 des philanthropes américains créent l'American Colonization Society ayant pour projet de créer une colonie de noirs libres en Afrique Occidentale. Le 31/01/1820 un premier embarquement de New York de 30 familles se solde par un échec sur place, la deuxième tentative le 23/01/1821 permet de créer un établissement de 60 km² au cap Mesurado. De 1822 à 1892 les Anglais et les Américains amènent 22100 immigrés noirs dans les établissements de la Côte des Graines. En  juillet et août 1847 les 6500 rapatriés noirs proclament l'indépendance du Liberia (Monrovia) et du Maryland (Buchanan), le Maryland est intégré au Liberia en février 1857.

 

En 1955 l’Ethiopie offrit 500 acres de terres cultivables aux jamaïcains qui avait soutenu la délégation de l’Ethiopian Word Federation établi en Jamaïque en 1938 pendant l’occupation ilalienne de 1936-1941. Il s’agit de la concession de SHASHAMANI située à environ 300 km d’Addis-Abéba. A la fin des années 50, des émeutes amènent le gouvernement jamaïcain à financer des envois de délégations en Ethiopie et même l’accueil par ce pays d’une petite communauté rasta. Helen et James Piper sont les premiers à s’y installer (juifs noirs originaires de Montserrat). On compte 10 familles en 1960. Chaque famille reçoit 40 ha de terres. En 1975 lors de la révolution 75% des terres sont récupérées par l’Etat. En 1967 Gladstone Robinson de l’EWF (né en 1929 à Brooklyn) administre la communauté à la place de James Piper. En septembre 1969 l’Empereur Haïlé Sélassié a visité Shashamani. En novembre 1978 Bob Marley fait un voyage de 4 jours en Ethiopie et passe sur place. On compte 60 familles dans les années 80. Les 12 tribus d’Israel créée en 1968 disposent de la plus grande partie du camp, on y trouve aussi les bobos, les nyabinghis et deux branches opposées de l’EWF. En 2002 la communauté compte entre 200 et 250 membres, L’EWF présidée or Ras Kabinda travaille pour le développement.

 

En 1961 le gouvernement jamaïcain envoi en Afrique la délégation de la  « Mission to Africa ». Elle se compose d’officiels du gouvernement , d’un membre de l’UNIA, d’un membre de l’EWF et de trois rastas : Mortimer Planno, Philmore Alvaranga et Douglas Mack. La délégation se rend au Ghana, au Nigeria, en Sierra Leone, au Kenya et en Ethiopie. Une mission composée de Samuel Clayton, Douglas Mack et Philmore Alvaranga se rend au Kenya en 1964. Une mission se rend en Ethiopie en 1965 où des accords informels sont conclu. Cependant la visite d’haïlé Sélassié en Jamaïque en 1966 ne débouche pas sur un quelconque rapatriement.

Continuellement dans les années 70 et 80 des manifestations ont lieu devant  l'ambassade de Grande Bretagne pour demander le rapatriement en Afrique. Le désenchantement des lendemains d’indépendance en Afrique à la fin des années 80, l’afro pessimisme des années 90 ont mis de côté cette revendication. Le terme rapatriement a d’ailleurs une connotation politique (création d’un nouvel état).

Dans les années 90 l’influence des Etats-Unis dans le mode de vie jamaïcains a réduit à néant ce rêve du retour en Afrique.  Certains intellectuels considèrent les adeptes du retour en Afrique comme des fuyards.

Burning Spear dès les années 90 insiste sur le fait que le retour vers l’Afrique n’est pas un retour physique, mais un retour spirituel, il s’agit de prendre en considération ses racines africaines , de s’en inspirer et surtout de ne pas les renier ou les dénigrer.

 

C) Leur mode de vie

C'est en 1947 que les rastafariens ont commencé à laisser pousser leurs cheveux en se référant à la Bible (Lévitique XXI-5 : « les sacrificateurs ne se feront point de place chauve sur la tête, ils ne raseront point les coins de leur barbe »). Les dreadlocks (les boucles de l’effroi) seront longtemps un signe de rébellion et aux yeux de la police un signe distinctif de hors la loi. Les rastas n'ont pas forcément de dreadlocks et celles ci ne signifient pas que l'on soit rasta.

A partir de 1974, le message rasta est intégré dans le reggae par un phénomène de mode, le port des dreadlocks devient un signe distinctif du chanteur de reggae conscient. A la fin des années 90 les DJ issus de la communauté des Bobos aborde le turban comme signe distinctif en partie pour lutter contre ce qui est devenu un cliché.

 

Pour les rastas le corps est le temple qu’il faut garder vigoureux et pur. Des interdits alimentaires sont adoptés : les repas «ital» sont sans viande ni sel. Ils sont composés de fruits, de racines, de graines, de légumes et de poisson.  L’ascétisme rasta comprend des variantes suivant les communautés.

 Il en ressort au final la cuisine Ital (la forme rasta de la cuisine végétarienne). Les ingrédients sont cuit dans l’eau de noix de coco et parmi les spécialités on trouve le « pati » (sandwich chaud en pâte fourrée), le « tofu » sorte de pain cuit sucré ou salé, le « Zion Juice » (boisson pimentée à base de carotte, de sucre de canne, de noix de muscade).

 

Les rastas sont créatifs (sculpture, musique), ayant pris conscience de leur passé et de la culture qui en découle, cette revendication se fait au détriment de la culture anglo-saxonne. Ils se réunissent dans les «groundations », réunions de prière où l’on chante, fume le chalice (longue pipe à eau), bat les tambours.

Ibo (Third Word) : "le rastaman ne fait pas de politique, mais il parle des choses qui entravent le bien être de l'homme, le rastaman ouvre les yeux".

 

Avec la ganja les rastas sont vulnérables, la possession illicite de ganja peut mener en prison. La consommation de ganja est une vieille habitude locale qui trouve une justification religieuse. Sa consommation est un rite sacré qui permet de parvenir à un degré supérieur de méditation. Ainsi en sept 1978 Peter Tosh a été arrêté sur une piste de patins à roulettes et conduit en prison pour possession de ganja, la police lui a facturé un bras et son visage était couvert d'hématomes.

 

Au milieu des années 50, l’I-gelic House établi à Wareika Hill commence à créer des mots utilisés par les rastas avec l’utilisation systématique du I en préfixe : Ises remplace praises (prières), Iration remplace Creation, Ivine remplace Divine, Iternal remplace Eternal, Inity remplace Unity, etc. La lettre-chiffre I représente l’essence de Jah et tous les individus (donc tous les « Je »).

Lexique rasta : I'll tell you the truth (je vais te dire la vérité); Ya see wh'I mean (tu vois ce que je veux dire);  Yah Mon (oui mec); One love (un seul amour); One Blood (un seul sang); Roots (les racines); Dread (terrible); Every thing is great, everything is cool (tout est parfait, tout va bien); Soon come (ça vient).

 

En ce qui concerne les femmes les rastas se réfère à la bible : mode de vie patriarcale et impureté (péché originel).

Les rastawomen à contrario  insistent sur le caractère émancipatif du mouvement.

Les figures féminines mises en avant sont Queen Omega (la Reine de Saba), Nanny (le reine des marrons), Amy Jacques Garvey (co fondatrice de l’UNIA), Grace Jenkins Garrisson (Hamitic Church).

 

D) Les rastas prennent les armes

 

JAMAÏQUE : les menées insurrectionnelles de 1958-1963

En mars 1958 un des leaders rasta Prince Emmanuel organise une convention à Victoria Park (Kingston). Le 24 mars 300 rastas marchent sur Victoria Park et déclarent l’occupation de Kingston en y plantant un drapeau aux couleurs africaines, la police n’eut aucune difficulté à les disperser.

En 1959 Claudius Henry fondateur de l’African Reformer Church se met à vendre des billets pour l’Ethiopie à un shilling. Le départ est annoncé pour le 5/10/1959. Aucun avion ou bateau n’ayant été affrété, Henry cherche à créer une insurrection. La police découvre chez lui tout un arsenal dont 3800 grenades offensives. Claudius Henry est condamné à 10 ans d’emprisonnement pour trahison. Après sa libération peu avant l’indépendance il entraîne un groupe de guérilleros dans les collines qui surplombent Kingston. Ceux ci comprennent le propre fils d’Henry Ronald, des membres actifs d’un groupuscule new-yorkais le « First Africa Corps » et quelques rastas. Le gouvernement mobilise 1000 hommes. Deux  soldats sont tués. Il faut un mois pour capturer tous les membres du groupe. Deux d’entre eux sont pendus. Le gouvernement Manley crée une commission. Les rastas cessent d’être pourchassés par la police. On projette un programme de logements et on organise un voyage de départ pour l’Ethiopie (en juillet 1998 la chaîne Arte a diffusé un reportage sur cette communauté rasta installée en Ethiopie).

En 1963 un fait divers violent est connu sous le nom de massacre de Coral Gardens. A Rose Hall au dessus de Coral Gardens un groupe de rastas met à feu une station d’essence et massacre 2 personnes à coup de machettes. Trois rastas sont abattus par les forces de l’ordre. Ces violences font suite à une intervention des forces de l’ordre pour déloger une communauté rasta qui gênait un projet immobilier.

 

DOMINIQUE : le «Dread Act », les affrontements de 1974-1981

Dans les années 70, le rastafarisme en Dominique influence une large partie de la jeunesse. Le mouvement se politise du fait de l’existence d’un mouvement politique radical le MND (Mouvement pour une Nouvelle Dominique). La création de petites communautés rastafariennes (les «dreads ») inquiète les politiciens réfractaires à la marginalité des rastafariens. En 1974 suite au meurtre d’un américain durant le carnaval dominiquais, un des dirigeants du MND Desmond Trotter âgé de 20 ans, également «dread », est condamné à mort pour ce crime sur la base d’un témoignage sujet à caution. Dans ce contexte le parlement adopte le «Prohibited and Unlawful Societies Act» plus connu sous le nom de «Dread Act » déclarant hors la loi les «Dreads ». On assiste à une véritable chasse au «dread » causant la mort de deux personnes. En 1976 Desmond Trotter voit sa peine commuée en détention à vie. En 1977 l’application du «Dread Act » est suspendu. La Dominique accède à l’indépendance en 1978. En 1979 suites à des émeutes Desmond Trotter est libéré. Le Premier ministre Patrick John en poste depuis 1962 cède la place à M. Séraphin. En 1980 Eugènie Charles (Dominica Freedom Party) surnommée la dame de fer des Caraïbes devient Premier ministre. Le 12/02/1981 des rastas armés de fusils enlèvent le père du porte-parole du gouvernement et détruisent son habitation suite à la mort de deux «dreads » lors d’un accrochage avec les forces de l’ordre. Les auteurs de l’enlèvement demande la libération de deux des leurs condamnés à la pendaison pour homicide. Le 16/02/1981 le gouvernement promulgue une loi anti- terroriste (Terrorism Temporary Provisions Act) accusant les «dreads » d’être manipulés par l’extrême gauche. L’état d’urgence est instauré signe d’une grave crise politique. Ces actions violentes sont condamnées par Desmond Trotter (aussi appelé Ras Kabinda). Les rebelles avaient obtenu des  armes de militaires contre de la ganja, celle ci étant cultivée à grande échelle par deux communautés rastas. Le mouvement rasta perd ensuite de son ampleur. Ras Kabinda quitte la Dominique en 1987 pour l’Angleterre, il s’installe par la suite à Shashamane en Ethiopie où il préside l’EWF. A la fin des années 80 il reste 4 ou 5 communautés regroupant une centaine de dreads dans les zones les plus montagneuses, l’usage de la marijuana devient toléré.

 

GRENADE : gouvernement de Maurice Bishop (13/03/1979 au 25/10/1983)

Arrivé au pouvoir suite à un coup d’état le gouvernement révolutionnaire procastriste de Maurice Bishop n’a pas hésité à fournir des armes aux 400 rastafariens que comptent l’île en 1979 lors de sa prise de pouvoir. 200 d’entre eux revêtirent les uniformes de la nouvelle armée révolutionnaire comprenant entre 1500 et 2000 hommes. Le gouvernement révolutionnaire refusa de légaliser l’usage de la marijuana. Puis il prit l’option de réprimer sa culture et son usage. Des rastas qui continuaient de cultiver et de fumer du haschisch étaient en vertu de la pudibonderie de toutes les révolutions enfermé dans un camp près du hameau de Hopeville. En 1983 sur les 115000 habitants de Grenade, il y eut jusqu’à 2000 personnes en prison. En fait les rastafariens avaient été utilisés pour asseoir un pouvoir, l’image des rastas armés fit le tour du monde.

 

SAINT VINCENT ET GRENADINES : la rébellion du 7/12/1979 de l’île Union

Le 26/12/1978 l’archipel accède à l’indépendance. Les élections législatives du 5/12/1979 ont lieu avec la présence d’un parti pro castriste. Elles sont remportées par le parti travailliste pro occidental de Milton Cato. Le 7/12/1979 l’île d’Union (10 km² 4000 h) connaît une rébellion. Dans la matinée une trentaine d’hommes armés prennent le contrôle de l’île. La rébellion est conduite par des rastafariens dirigés par un nommé «Bomba ». Les rebelles dénoncent la victoire de Milton Cato. Les agences de presse parlent de sécession de l’île et font référence aux rastas. L’île de la Barbade envoie sur place un contingent de policiers et l’ordre est rétabli dans la soirée. De fait ce fait divers correspondait à un mécontentement des pêcheurs locaux faisant face à la pêche illégale de homards par des martiniquais.

 

A la fin des années 1980 l’image révolutionnaire du rasta en a pris un sacré coup dans les Antilles. On joue les rastas pour se donner une vague identité, on vivote de la contrebande, on reste accroupi autour de petits cafés en plein air avec les nattes et le sourire permanent conféré par la ganja, l’herbe de l’oubli.

 

SIERRA LEONE  (voir les rapports annuels d’Amnesty pour plus de précision)

En 1998 suite au ralliement à la junte militaire de Ras Oray Simeon l’aîné local des 12 tribus d’Israël, une chasse aux Dreads a eu lieu à Freetown, la communauté rastas s’est ensuite divisée en 2 les TTI (12 tribus) et les « Deeps Roots ». Les scènes de lynchage collectif et les affrontements ont laissés de nombreuses victimes au sein des rastas.

 

E) Les différentes confréries rastas

 

Il n’existe pas clairement de définition de ce qui est rasta et  ce qui ne l’est pas. Le mouvement est fragmenté en diverses communautés, structures associatives et confréries fonctionnant indépendamment les unes des autres.

 Le point commun est la référence à Haïlé Sélassié par rapport à la couronne anglaise, par rapport aux églises chrétiennes locales (un Dieu noir, une réincarnation du Christ en un africain), par rapport à tout ce qui rappelle la colonisation (mentalité servile, etc.).

En ayant un esprit large on pourrait considérer comme rasta l’européen amateur de reggae qui commence à collectionner des photos d’Haïlé Sélassié.

Néanmoins au fur et à mesure que les années passent certaines confréries rastas se muent en véritables églises comme on a pu le voir aux funérailles de Dennis Brown (confrérie des 12 tribus d’Israël). De même un discours particulièrement sectaire est développé par les Bobos (les Emmanuélistes). On assiste à une évolution qui fait du rastafarisme une nouvelle religion avec ses églises, ses intégristes, etc.

Dans les interviews des artistes, depuis les années 90, ceux ci tendent à prendre leur distance et à tenir un discours universel sur les valeurs communes à toutes les croyances et aspirations humaines. De fait la majorité des rastas sont non formellement affiliés à une confrérie précise.

 

L’Ethiopian Salvation Society

Créée en 1935 par Léonard Percival Howell (1898-1981), cette première communauté rasta réside au Pinnacle (2000 disciples) jusqu’à la destruction de celui ci par la police en 1954.

En juillet 1941 la police disperse une première fois la communauté (70 arrestations dont Howell). A sa libération le Pinnacle est reconstitué.

Cette communauté auto suffisante pratique la culture de la Ganja. La presse jamaïcaine distille des rumeurs sur Howell et sa communauté (chef entouré de 13 femmes pratiquant des sacrifices humains). Il existe des rumeurs d’un vaste trafic de cannabis organisé en faveur du JLP (au pouvoir de 1944 à 1955). Lors de la destruction du camp, la Police interpelle la moitié de la communauté. Les rastas du Pinnacle rejoignent alors de nouveaux camps créés en marge du mouvement d’Howell dans les bas quartiers de Kingston.

 

Autres mouvements créés à la fin des années 30 par les premiers prédicateurs rastas :

King of Kings Mission créée par Robert Hinds

Ethiopian Coptic Faith créée par Joseph nathaniel Hibbert

King’s Missionary Movement créé par Archibald Dunkley

 

L’ordre des Nyahbingi (Haile Sélassié est un Dieu tout puissant)

« Rainbow Throne Of The Nyahbingi Theocratic Order »

Le nom vient d’un article de pressez paru en 1935 dans le Jamaïca Times au sujet d’une prétendue armée secrète commandée par le Negus pour résister à l’armée italienne. Le terme renvoie à un culte du sud ouest de l’Ouganda lié à la résistance au colonialisme. Nyah-Binghi signifiait à l’origine (en Jamaïque) mort à l’oppresseur blanc et à ses alliés noirs.

Mouvance sans leadership, on compte une centaine de Elders : Ras Daniel, Congo Rock I, Bongo Time, Ras Pidow, Bongo Alan Blackwood, Ras Sam Brown (1921-1998), Ras Boanerges, Ras Derminite, Bongo Timothy Hill … :

. Ras Boanerges (1925-2000) : sous le nom de Bongo Watto, il fonde à Trench Town en 1949 le «Youth Black Faith » en rupture avec le fonctionnement mis en place par les premiers rastas et à l’origine de l’ordre. Il serait à l’origine du port des dreadlocks. Il a fait partie des 30 rastas reçus par Haïlé Sélassié en 1966 lors de sa visite en Jamaïque.

. Ras Pidow (1931-2001) : membre éminent de l’ordre, ce dub poet a sorti deux albums en 1991 et 1992 sur le label Ras (Rastafari Elders et Modern Antique).

. Ras Derminite (1909-2000) : témoin des premiers événements (discours de Marcus Garvey, premiers prêcheurs), persécuté dans les années 60 pour sa consommation du cannabis. Il participe à la mise en place du Youth Black Faith  et de l’ordre des Nyahbingi.

. Pa Ashanti (1914-1989) : un des principaux créateurs de la musique nyabinghi

Il existe un conseil des anciens : le Rainbow Circle Room of the House of Nyabinghi. En 1976 est créé le Haïlé Sélassié Theocracy Government (un conseil des anciens).

Les hommes gardent la barbe, les femmes doivent couvrir tête et jambes.

Au cours de l’année les nyabinghis se retrouvent autour d’un tabernacle : 7 janvier (noël orthodoxe), 21 avril (groundation day : visite de l’empereur en Jamaïque), 26 mai (fondation de l’OUA), 23 juillet (naissance d’Haile Selassié), 17 août (anniversaire de Marcus Garvey), 11 septembre (nouvel an éthiopien), 2 novembre (sacre impérial). Ces assemblées sont appelées « Grounation » ou « vine Issemble » : on y fait de longs raisonnements collectifs (« reasoning »), le chalice tourne (« Ishence burning »). Le tout est accompagné par les percussionnistes.

 

Les 12 tribus d’Israel (Haile Selassie est la réincanation temporelle du Christ, c’est le Christ dans sa dimension royale)

Fondée le 25 février 1968 par Vernon Carrington (Prophet Gad) après son départ de l’EWF.

Se distinguant par une grande souplesse doctrinale, les 12 tribus d’Israël sont devenus une grande organisation implantée dans le monde entier (en Angleterre dès 1972). De nombreux artistes roots gravitent autour de l’organisation.

Au niveau doctrinal Haïle Sélassié est considéré comme le dépositaire provisoire de l’esprit du Christ et non le Christ lui même. Le retour de l’esprit saint est attendu dans la restauration de la monarchie éthiopienne en la personne de Zara Yacob (petit fils du Négus). La famille impériale est regroupée au sein du Crown Council of Ethiopia (Conseil de la Couronne D’Ethiopie), elle entretient des liens avec différentes organisation rastas dont les 12 tribus.

Suite à une vision le Vernon Carrington a créé un horoscope rasta. Chaque mois de l’année est associé à un nom de tribu, lui même associé à une couleur, une partie du corps, une fonction et un apôtre. Par exemple Bob Marley évoquait souvent dans ses interviews ses thèmes (Joseph, février, blanc, mollet, imagination, Barthélemy), ce qui pour des journalistes musicaux n’était pas évident à appréhender.

 

Nom Tribal

Mois de Naissance

Couleur Tribale

Partie du Corps

Fonction Tribale

Apôtre

Ruben

Avril

Argent

Yeux

Force

André

Siméon

Mai

Or

Oreilles

Foi

Pierre

Lévi

Juin

Violet

Nez

Volonté

Matthieu

Judah

Juillet

Marron

Bouche et Cœur

Prière

Judas

Issachar

Août

Jaune

Main

Zèle

Thaddée

Zabulon

Septembre

Rose

Ventre

Ordre et Compassion

Jacques fils d’Alphée

Dan

Octobre

Bleu

Dos

Jugement

jacques fils de zébédée

Gad

Novembre

Rouge

Organes reproducteurs

Pouvoir

Philippe

Asher

Décembre

Gris

Cuisses

Compréhension

Thomas

Nephtali

Janvier

Vert

Genoux

Amour

Jean

Joseph

Février

Blanc

Mollets

Imagination

Barthélémy

Benjamin

Mars

Noir

Pieds

Elémination

Simon le Zélote

 

Un livre présente la doctrine. Il regroupe des écrits de Marcus Garvey (Opinions), Herbert W. Armstrong (Mystère des Anges)  , Cyrius Scofield (sa Bible), Charles et Myrthe Fillmore (disctionnaire métaphysique de la Bible).  D’autre part la Bible est acceptée dans son intégralité.

Le port des dreadlocks, le végétarisme ital et la consommation d’herbe sont à l’appréciation de chacun.

Chaque « House » du mouvement est dirigée par un « Overseer » (Visionnaire). Chaque adhérent doit verser une cotisation. L’organisation pyramidale permet l’expansion du mouvement. C’est l’organisation rasta la plus influente hors de Jamaïque.

 

Les Bobo Dreads (Sélassié est le père, Prince Emmanuel est le fils et Garvey est le prophète)

« PRINCE » EDWARD EMMANUEL (1915-1994). Dès 1953 il dispose de son propre camp à Back O’Wall. Il tire son prestige de sa rencontre avec Marcus Garvey.

En mars 1958 il convoque le premier rassemblement Nyabinghi à kingston (à Ackee Walk), le 24 il procède à la capture symbolique de la ville en plantant un drapeau à Victoria Park. Ce qui entraîne l’intervention de la police et un procès médiatisé.

Il s’identifie au Christ, il est pour les bobos « Jesus of Nazareth Holy Emmanuel Selassie I ».

Le nom officiel  de son organisation est l’ EABIC (The Ethiopia Africa Black International Congress), c’est de fait un ordre monastique pronant la suprématie noire et le rapatriement en Afrique. En 1966, lors de la visite d’Haïlé Sélassié, il fait parti des 30 rastas invités à  une réception officielle  au cours de laquelle l’empereur offre une médaille à l’effigie du Lion de Judah à chacun des rastas présents.

Son campement est d’abord installé à Back-O-Wall, en 1967 le quartier est rasé (construction de Tivoli). La communauté part à Spanish Town, puis à Trenchtown. Elle finit par s’installer à Bull Bay (The City on Hill) à 15 km de Kingston sur un terrain appartenant à l’Etat. Le camp a une superficie de 4 à 5 ha . Il est entouré d’une palissade.

Pour vivre les bobos fabriquent des balais (symbole de la propreté intérieure) et des matelas qu’ils revendent dans la rue. L’argent récolté sert pour tout le campement.

La communauté pratique le sabbat du vendredi 18h au samedi 18h. Le régime alimentaire est strict, les hommes cuisinent. Pendant leurs règles les femmes sont confinées entre elles.  Cheveux et chevilles des femmes doivent être dissimulés. Le Chalice est réservé aux hommes. Il y a une méfiance envers le progrès technique (on se lave dans les sources naturelles). Au niveau vestimentaire, les dreads sont enroulés sous un turban.

Pour les bobos Dieu est noir, cela s’interprète dans le concept de Black Supremacy (inversion du rapport de force colonial blanc noir). Il y a une opposition entre le monde du R (le positif, Right, Rasta) et le monde du X (le mal, le drapeau jamaïcain, le tabloid jamaicain X-news).

Prince Emmanuel a édicté son message dans un livre de 70 pages dont le titre exact est : Black Supremacy in Rightousness of Salvation, Jesus Negus Christ, Emmanuel I, Selassie I, Jah rastafari in Royal Majesty, Sélassié I, Jahovah Jah Rastafari. Il s’agit d’un prèche aux nombreuses références bibliques. Il écrivait régulièrement aux chefs d’Etats.

(Extrait d’une interview d’Anthony B  (Natty Dread n°11) :Un jour Emmanuel nous a appelés avec Richard Bell et lui a demandé : Tu aimes cette musique, là ? ! Bell a  répondu que c’était un véhicule pour le message. Alors Emmanuel a dit : Si vous souhaitez abandonner le statut de prêtre, vous  pouvez prendre celui d’Ambassadeur pour propager le message à travers le monde.) Suite à cette autorisation Richard Bell créée le label Star Trail en 1989.

A la mort de son fondateur il y a eu une crise de succession. Le fils d’Emmanuel, Jesus n’a pu s’imposer. Une partie du campement s’est installé sur une colline voisine. Certaines baraques ont été brûlées.

C’est une petite communauté assez pauvre, pour preuve en 2000 Junior Reid organise un grand concert destiné à y construire une école, les bobos devant envoyés leurs enfants dans différentes écoles. Une visite du camp en 2001 publiée dans le numéro 22 du magazine de reggae français Ragga laisse l’impression d’une communauté très paisible.

 

I-GELIC HOUSE :

Dans les années 50, cette communauté d’ascète opte pour le célibat et l’abstinence.

 

L’EWF et l’EOC (Eglise Orthodoxe Ethiopienne) (Haile est l’image du Christ et non le Christ lui même)

L’ETHIOPIAN WORLD FEDERATION (EWF) a été fondée en 1937 par le gouvernement Ethipien en exil. Son antenne jamaïcaine a été créée en 1938 par les rastafarians locaux en particulier les Elders Joseph Hibbert et Archibald Dunkley. Les 2 hommes avait été initié à une loge maçonnique noire (« Coptic ») au Costa Rica.

Asciento Fox préside l’EWF.

Un membre éminant de l’EWF est Mortimer Planno (né le 6 septembre 1920). Il rejoint dès 1939 les cercles rastafariens du Dungle (Salt Lane) à Kingston. Installé à Trenchtown il influence des chanteurs des années 60, en particulier Bob Marley. Il participe à des missions en Afrique en 1961, 1972 et 1979. C’est lui qui accueille Haïlé Sélassié en 1966 à la passerelle de l’avion. Ses pensées sont réunis dans « the earth most strangest man, the rastafarian ». En 1978 il crée conjointement avec Bob Marley l’Organisation of Rastafari Unity (ORU) ?

Le 1er juillet 1983 le fils d’Haïlé Sélassié, Asfa Wossen (chef d’Etat nominal de l’Ethiopie de 1974 à 1975) crée en rupture avec l’EWF, l’Imperial Ethiopian Word Federation. (IEWF). En 1990 il est sacré empereur en exil sous le nom d’AMHA SELASSIE Ier. Il décède en 1997.

En 1973 Zara Yacob fils d’Asfa Wossen avait été désigné comme prince héritier, suite aux problèmes de santé de son père. Cependant il n’avait pas été désigné chef de l’Etat lors de la déposition de Haïlé Sélassié en septembre 1974. Zara Yacob a rejoint l’organisation rasta concurrente des 12 tribus d’Israël.

 

L’Eglise Orthodoxe Ethiopienne (EOC) s’est implanté à la fin des années 70 en Jamaïque grâce à Laike Mandefro (devenu Abuna Yesehaq archiprêtre de l’EOC). En 1989 on dénombrait 15 000 fidèles en Jamaïque. En 1992 l’abuna Paulos est élu à la tête de l’EOC. L’EOC est une église chrétienne éthiopienne dans laquelle les rastas peuvent se retrouver puisqu’eux mêmes ne pratiquent pas de culte (messes, sacrements). Ainsi Bob Marley sur la demande de sa mère la rejoint peu avant sa mort. En février 2002 le groupe de reggae rasta Morgan Héritage s’est converti à l’EOC. En adhérant à cette église certains rastas ont la démarche d’acquérir l’identité éthiopienne à défaut d’obtenir la nationalité.

 

La confrérie Ethiopian Zion Coptic Church

Fondée dans les années 40 par Louva Williams (Brother Lover) à Warieka Hills.

Pour eux le Verbe Originel fait partie intégrante de leur Sainte Trinité au même titre que l’Herbe et l’Homme.

Cette confrérie se distingue par son refus du retour vers l’Afrique.

Brother Ivy succède à Louva Williams à la mort de celui-ci.

Autres membres s’étant fait connaître :

Brother Louv (Thamas Reilly) arrété en Floride en 1980 pour possession de 27 tonnes de cannabis

Brother Nyah (Keith Gordon) installé sur la colline de Coptic Heights, eminence grise de l’EZCC.

Cette organisation possède un important patrimoine (10000 acres de terre, stations d’essence, supermarché, bateaux, avions, tracteurs, voitures, etc). Elle distribue un journal gratuit le ‘Coptic Times’.

 

La Rastalogie

 

La RMA

La Rastafari Movement Association a été créé en 1969 par des jeunes militants rastas. La RAM publie de nombreux documents culturels. Elle a créé une coopérative d’artisans rastas (vente agricole et artisanale).

 

Le RCO (Rastafari Centralization Organisation)

Cet organe de rassemblement s’est constitué en 1995. L’objectif est de fédérer les activités et représentations rastafaris.

Les responsables sont élus lors d’une assemblée générale annuelle (président, vice président, secrétaire et resposables des différents comités). Le RCO met en place des projetd de rassemblements (grounations), d’édition (The Edifier, The Bearer of Light) et de développement local (Payne Avenue). Le RCO est présidé depuis 1995 par Ras Sidney DaSilva

 

Les Christafariens

 

Les associations féminines :

Rastafarian Women’s Organisation

Rasis International

King Alpha and Queen Omega Daughters United

Figures de prou : Ma Ashanti, Dawta Baby I, Sisters Bubbles, Merriam Lennox

 

Les associations prônant un rapatriement vers l’Afrique :

L’ African Repatriation Commitee

La Brethen Rapatriation Association

La Rastafarian Repatriation Assocation

Le Marcus Garvey Organising Commitee

Le Centenary Commitee For Rastafari

 

Il existe même une nation virtuelle : la United Nation of Rastafari ayant une ambassade à Los Angeles

 

En 1999 dans son album Calling Rastafari Burning Spear appelle à la création d’un seul mouvement rasta se faisant ainsi l’écho des personnes de sensibilité rasta qui ne se retrouvent pas dans les différentes confréries.

 

En 2003, le statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) a été accordé à 90 organisation non gouvernementales dont The Ethiopian World Federation Inc.

C’est en tant que représentant d’une ONG que l’artiste Iqulah dispose d’une accréditation auprès d’un organisme des Nations Unies. Ce statut a déjà été accordé le 14 novembre1996 à l’International Rastafari Development Society (IRDS).

Il existe trois statut possible pour une ONG : le statut consultatif général, le statut consultatif spécial et la Liste

Les ONG ayant le statut consultatif général et le statut consultatif spécial ont l’obligation de présenter des rapports quadriannaux à l’ECOSOC.

The Ethiopian World Federation Inc. a statut consultatif spécial et l’International Rastafari Development Society est sur la Liste.

Une organisation dotée du statut consultatif spécial peut présenter au sujet de questions qui sont de sa compétence particulière des communications écrites pour les travaux d’une commission ou d’un autre organe subsidiaire de l’ECOSOC.

Une organisation inscrite sur la Liste (terme retenu par l’ONU) peut être entendue par une Commission ou un autre organe subsidiaire si ces derniers le demandent et si le Secrétaire général le recommande.

 

 

F) Le rastafarisme organisé hors de Jamaïque

Etats Unis :

L'antériorité du mouvement aux Etats Unis : dans les années 20 à Harlem (New York) Arnold Josiah Ford fonde la « Beth  B’nai Abraham Congregation » un mouvement noir se réclamant des falashas (les juifs de l’Ethiopie).

Afrique du Sud :

Suite à des voyages de Ras Boanerges en Afrique du Sud, se crée en 1997 le NCR (National Council of Rastafari)

 

 

 

 

Auteurs : J.B. Seille

 

 

© Jean Bernard SEILLE

 

 

 

 
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